Cette autre dette dont personne ne vous parle

Elle pèse 4000 milliards et elle ne cesse d’augmenter

Cher lecteur,

Ces jours-ci, on parle sans arrêt de la dette publique qui explose, et des effets possibles sur nous et nos euros. Tant mieux !

Cela fait des mois que je vous ai montré tous les chiffres, et les alternatives possibles pour votre argent.

C’est une bonne nouvelle que les langues se délient enfin et que les choses bougent.

Mais il y a une dette dont personne ne parle, qui est pourtant la principale dette du pays, et qui pourrait avoir un effet plus immédiat encore :

Il s’agit de la « dette privée »

C’est-à-dire l’argent qu’ont emprunté les ménages, et surtout les entreprises.

Et qu’ils sont censés rembourser grâce à leurs profits futurs.

4 000 milliards d’euros de dette, en hausse permanente

Pour les entreprises, les taux d’intérêt bas sont une aubaine : elles peuvent emprunter des sommes pharaoniques à des taux quasi-nuls. Elles peuvent faire leurs affaires avec l’argent des autres.

Ce ne sont pas non plus les banques qui vont les inciter à la prudence : même si les taux d’intérêt sont plus bas que jamais, les banques se rattrapent sur l’énorme volume emprunté pour gagner de l’argent.

Plus les banques prêtent, plus elles font de profit.

(Quitte à être moins regardantes sur le profil de l’emprunteur.)

De l’argent gratuit à gogo pour les entreprises, des banques qui se gavent : une situation un peu trop facile, qui comme souvent risque de retomber sur l’épargnant !

L’épargnant qui confie ses économies en Livret A, en Assurance-vie ou en grosses actions du CAC40

L’épargnant qui porte tous les risques, puisque c’est lui qui « détient » ces entreprises avec son argent, alors que la banque n’est qu’un intermédiaire…

L’épargnant à qui on a promis des rendements « sûrs », « solides », basés sur les plus grandes entreprises françaises. Les fameuses promesses des banquiers :

« Pensez-vous Madame, c’est du solide l’énergie ! EDF et Engie (ex-GDF Suez) ont le monopole ! »

« Pour vous Monsieur, j’ai pensé à des placements bétons : Vinci, Renault, Arcelor. Les fleurons de notre industrie ! »

Ces entreprises-là, c’est-à-dire les mastodontes très endettés du CAC40, pourraient bien mener vos économies à la ruine.

Une première alerte a été donnée fin 2018

L’agence de notation S & P Global Ratings a pointé du doigt l’endettement des entreprises françaises alors à 4 000 milliards d’euros, soit 175 % du PIB.

Elle a même publié un triste palmarès des entreprises françaises les plus endettées :

Sur les 10 entreprises les plus endettées, 5 sont administrées par notre Etat champion de la dette publique.

Je dois dire que je me méfie des agences de notation depuis la crise de 2008. Mais cette fois, l’agence S&P a le mérite d’avoir révélé les vrais chiffres de la dette des entreprises.

C’est-à-dire une dette supérieure à toute la dette publique !

  • Il y a l’endettement bancaire « classique », qui représentait 1 950 milliards (85% du PIB à fin 2019)…
  • …Et l’endettement dont on ne parle jamais : la dette inter-entreprises, qui représente 2 000 milliards d’euros !

La dette inter-entreprises, ce sont les prêts que les sociétés s’accordent quand elles travaillent ensemble (délais de paiement, prêts intragroupes, etc.)

Cet endettement est potentiellement le plus toxique, et le plus dangereux pour nos économies et notre épargne.

Parce qu’en cas de faillite d’une entreprise, les banques se servent les premières sur ce qui reste. Les fournisseurs impayés ne récupèrent presque jamais leurs créances. Et ne parlons pas des actionnaires qui ont confié leur argent…

Une entreprise qui fait faillite peut mettre en péril toutes celles qui font affaire avec elles.

Plus que des milliards de dettes, ce sont des emplois et l’argent des épargnants qui sont en jeu. 

En particulier, imaginez le sort des petits porteurs, comme vous et moi ! Notre épargne est menacée par une réaction en chaîne.

A l’époque de son étude, l’agence S&P ne prévoyait pas de risque de bulle de crédit.

L’agence de notation estimait aussi que les défauts de paiement devraient rester limités.

C’était à l’époque. Aujourd’hui cela fait des mois que la crise est là, ainsi que les bulles, et c’est très inquiétant.

La Banque de France évoque un « risque systémique »

Début 2020, la Banque de France publie un billet intitulé : « Les grandes entreprises très endettées : un risque systémique ? »

Dans cet article, la Banque de France montre que le recours massif à l’endettement gratuit n’est pas aussi « gagnant-gagnant » qu’on voudrait nous le faire croire.

Certes des taux bas réduisent les intérêts à payer par les entreprises…

…Mais cela fait exploser leur niveau d’endettement !

Plus ce niveau d’endettement est élevé, plus l’argent de l’entreprise appartient aux banques prêteuses plutôt qu’aux actionnaires.

Mais la Banque de France souligne un plus gros risque encore : si le taux d’intérêt de la dette remontait de 1%, le montant des dettes « à risque » de ces grosses entreprises progresserait de 60% !

Concrètement, cela voudrait dire qu’une société très endettée devrait générer 60% de cash en plus pour rembourser ses engagements.

Ce qui parait impossible, dans le contexte actuel.

Devenues « accro » à la dette, la santé des entreprises est maintenant hyper-sensible à la moindre modification du taux d’intérêt.

Plusieurs très grandes entreprises françaises sont concernées

EDF, Renault, Air France, et tous les « fleurons » industriels français se sont massivement endettés depuis la dernière crise. Mais elles restent trop peu rentables pour rembourser…

Aujourd’hui, elles sont les premières servies par les prêts garantis par l’Etat. Mais ça ne change rien à leur fragilité :

  • Engie, menacée par sa dette, brade sa participation de 30% dans Suez-Veolia.
  • Unibail Rodamco Westfield est sommée de vendre des actifs ou de réaliser une augmentation de capital pour honorer ses échéances de dette.
  • Renault a obtenu 5 milliards en avril 2020 de dette garantie par l’Etat, mais « ce coup de pouce » ne fait reculer le constructeur pour mieux sauter ! En juillet, Renault a enregistré 7 milliards de perte.
  • Idem pour Air France, et tant d’autres.

Les « champions nationaux » sont les champions de la dette risquée. Et l’Etat actionnaire ne parvient pas à redresser la barre de ses entreprises publiques.

Leur dette est aussi problématique pour notre épargne que la dette des Etats : les livrets bancaires sont incapables d’offrir des rendements satisfaisants avec ces entreprises surendettées !

Votre argent « dort » dans des banques elles aussi en sursis. Et les économies que vous leur confiez sont mal gérées, ne rapportent rien.

Que vous le vouliez ou non, vos économies sont placées dans des très grosses entreprises surendettées du CAC40, qui si elles font défaut, vous priveront d’un argent durement gagné.  

C’est quand la marée se retire qu’on voit ceux qui nageaient tout nus !

Cette fameuse citation est attribuée à l’investisseur légendaire Warren Buffet :

« Only when the tide goes out do you discover who’s been swimming naked. »

 C’est quand la marée se retire qu’on voit ceux qui nageaient tout nus !

 Dans la masse des investisseurs, difficile de dire qui a placé ses économies sur des bases saines ou non…

Qui a placé dans des entreprises rentables et bien gérées…

Ou qui a pris des parts d’entreprises accros à l’endettement et à l’argent gratuit, qui ne créent plus de valeur depuis longtemps…

Pourtant, tant que tout va bien, tout le monde se regarde comme si c’était pareil !

Il est bien difficile de savoir qui a raison et qui a tort. 

C’est seulement quand les crises arrivent que « la marée s’en va », et qu’on voit ceux qui portaient dans leur épargne des risques disproportionnés.

Parce que ces gens-là se retrouvent sans rien !

C’est aussi le cas pour ceux qui avaient tout confié à la banque les yeux fermés, et dont la banque, sachant cela, a placé leur argent dans les entreprises et Etats surendettés…

Un espoir pour notre épargne ?

Heureusement, toutes les entreprises ne sont pas concernées, loin de là. Il existe encore des bons gestionnaires en France !

Ce qui condamne nos mastodontes surendettés, c’est souvent leur taille démesurée.

En fait, ces sociétés devenues tentaculaires sont incapables de faire face à leurs frais de fonctionnement si elles n’ont pas de croissance forte.

A force d’acquisitions surpayées, d’implantations hasardeuses sur des marchés étrangers, nos fleurons industriels payent aujourd’hui très cher le prix d’une croissance qu’ils ont financé en s’endettant.

Et finalement, ce n’est peut-être pas une mauvaise nouvelle pour votre argent.

Car les entreprises de taille plus modeste, les entreprises familiales, et toutes celles qui ne se sont pas trop endetté au cours de la dernière décennie sont aujourd’hui celles qui génèrent les meilleurs rendements.

La chance de l’épargnant, c’est sa flexibilité : le fait de pouvoir changer rapidement son argent d’endroit.

« Small is beautiful » 

Quand on y pense, il existe beaucoup plus d’entreprises moyennes que de mastodontes du CAC40 !

Toutes les entreprises qui n’avaient pas le prestige des Total, Airbus, Carrefour et autres sociétés du CAC40, n’ont pas eu les mêmes facilités pour s’endetter à outrance.

Curieusement, ce sont aujourd’hui celles qui génèrent des rendements très élevés, de 7% ou 8% sans effort, parfois jusqu’à +30% par an.

Cette création de valeur, elles peuvent la générer parce qu’elles n’ont pas « eu droit » à la dette.

  • Elles ont du s’autofinancer, et attendre que leurs activités existantes soient suffisamment pérennes pour en lancer d’autres ;
  • Elles ont eu recours à l’épargne publique sur les marchés boursiers.
  • Elles ont été contraintes de surveiller leurs finances, et leurs dépenses.

Aujourd’hui ce sont les sociétés les plus solides.

Dans cette période d’incertitude, il est important de savoir les identifier, et d’acheter leurs titres avant qu’elles ne deviennent des valeurs « grand public ».

La bonne nouvelle, c’est qu’il reste encore du temps pour s’y intéresser, tant que nos banquiers continuent à maintenir les ex-champions nationaux sous perfusion.

Personnellement, j’ai découvert la « bourse saine », loin de toute spéculation, grâce à ce type d’entreprises.

Sources

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